L’uniforme à l’école : une idée pleine de bons sentiments…

Suite à une consultation organisée fin mai et début juin, par la municipalité de Provins, les parents se sont exprimés pour le port de l'uniforme dans les écoles publiques de la ville. Sur 609 familles, 379 se sont exprimées, dont 234 pour. Donc, dès la rentrée des vacances d'automne en novembre 2018, les jeunes élèves porteront la tenue provinoise, de couleur bleue (marine), avec un blason où figure l'inscription de la devise de la république. Il s'agissait d'une promesse du nouveau maire, Olivier Jablonka ayant succédé à Christian Jacob en 2017. La démocratie semble avoir triomphé puisque les parents ont choisi et que le journal titre « les parents valident l'uniforme scolaire ». Une bonne réponse aux pourfendeurs du cinquantenaire de 68 qui pourrait éventuellement faire sourire ? Sauf qu'elle concerne les enfants des écoles publiques de la ville.

On est en droit de se demander ce qu'il va se passer pour ceux qui ne voudraient ou n'auraient pas les moyens de s'offrir le trousseau (145 euros par enfant, 72,50 pour le second et 116 euros pour les élèves de Cm2) ? Pour les seconds, une mesure « sociale » permettra un échelonnement du paiement. Le maire parie que les récalcitrants seront entraînés dans la dynamique du mouvement. Ou l'effet de mode, peut-être ? Ou pire encore l'effet discriminatoire ? Certains syndicats enseignants s'inquiètent de la mesure, y voyant « une remise en cause » de la gratuité de l'école. (République de Seine et marne du 4 juin 2018).

Bien, mais la question de l'uniforme soulève tout de même d'autres questions. Quel est l'objectif de la mesure ? Car si vous connaissez un peu Provins, et que vous y êtes venus déguisés en chevalier ou en princesse pendant sa fête médiévale , il y règne un climat quelque peu féodal.. toute l'année. Un libraire, le seul de la région, dont la sœur qui s'était présentée aux législatives dans le camps adverse, en a fait l'amère expérience et ses contrats avec les écoles de la ville ont été stoppés net. Il n'est pas bon d'être Robin des bois par ici et il n'est donc pas étonnant que le parti pris idéologique de l'uniforme à l'école puisse être évoqué, ici aussi. L'autorité, l'ordre et la morale devraient être les bases à l'école pour certains élus comme pour certains parents. En rang par deux, les petits écoliers de bleu vêtus, visitant la ville haute, est une vision bien plus agréable qu'une horde sauvage dévalant les rue de la cité. Croyant balayer d'un coup sec les inégalités, cette uniformisation aplanit et aseptise. Et surtout elle fait disparaître l'enfant pour faire apparaître un élève, un jeune « soldat » de la République, en route pour son apprentissage citoyen, pour ne pas dire pire. L'uniforme est le porte-drapeau d'une radicale rupture entre l'enfant qui entre dans l'institution et l'élève qui devra en ressortir, fier d'avoir emmagasiné les valeurs collectives qu'on lui aura assenées. Faisant alors fi de ses particularités, de ses différences, de son origine et de son histoire. Que c'est beau le bleu dans une classe bien ordonnée ! Aucune tête ne dépasse, seuls les cartables et les trousses apporteront leurs couleurs dissonantes. A moins que l'idée ne vienne aux élus d'offrir pour un euro de plus : une trousse aux couleurs de la ville. La lutte contre les inégalités aurait donc trouvé sa parade, c'était si simple, et pourquoi ne pas y avoir pensé plutôt ?

Mais une question nous taraude : qui est en mesure d'imposer l'uniforme à l'école ? En y réfléchissant bien, il ne s'agit pas de repeindre les murs des classes, eux-mêmes à la charge des communes. Proposer l'uniforme c'est envisager une mission et une vision de l'école publique bien particulière qui redéfinit les pratiques pédagogiques puisqu'elles concernent aussi bien le sujet-apprenant lui-même que le vivre ensemble. A-t-on vu quelque part, où l'uniforme était obligatoire, un épanouissement de l'esprit critique de celui qui le portait ?

Qui donc est en mesure de décider ou de réagir ? Les parents par le vote ? Un comité d'élus locaux ? Les enseignants ? Le ministre ? (il y est favorable). Ne faut-il pas y voir un zeste de servitude volontaire répondant à l'idéologie très particulière qui considère l'école comme un lieu d'apprentissage, d'autorité et de discipline ? Un sanctuaire se protégeant du monde extérieur ? Il s'agit donc bien d'un projet idéologique dont le but premier n'est certainement pas la lutte contre les inégalités...

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