Du participe passé…

Suite à La Tribune parue le 2 septembre dans Libération, je tiens à apporter quelques éclaircissements et informations supplémentaires sur l’aventure du fameux accord du participe passé qui fait couler beaucoup d’encre et  embarrasse autant les élèves que les enseignants depuis des décennies ! Sans oublier les journalistes dont l’embarras a pu faire l’objet d’un ouvrage !

Tout d’abord j’aimerais rétablir la vérité sur l’origine et la diffusion des recherches concernant cette particularité de l’orthographe du français. Dès les années 80, Henri Bassis proposait déjà dans les stages du GFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle) de faire d’abord construire  par les enfants la valeur adjectivale du participe passé dans le but de redonner sens à son accord, celui d’un adjectif qualificatif. Mais ce premier pas s’apparentait encore  davantage à une recette dans le sens où il permet  de faciliter le « comment » accorder tous les participes passés, qu’ils soient employés seuls ( !!), avec être, avec avoir et même dans le cas des verbes pronominaux ! Ce qui n’est pas le moindre des progrès dans la résolution de cette difficulté. Il restait alors à élucider le « pourquoi » de cette bizarrerie. Différentes étapes de notre recherche ont permis de prendre en compte une époque, alors que l’orthographe n’était pas fixée donc loin d’être matière à étude, où l’accord était très aléatoire : nous en avons cité plusieurs exemples tirés des écrits de La Fontaine ou de Corneille dans la première édition de notre ouvrage paru en 2002 chez Bordas, Grammaire conjugaison orthographe cycle 3 Jeanne Dion et Marie Serpereau, travail repris dans un second ouvrage Faire réussir les élèves en français de l’école au collège, mêmes auteures, toujours en vente chez Delagrave et sur le site du GFEN.

Comme dans l’apprentissage de tout savoir, la clé de sa compréhension résulte de l’exploration de son histoire.

Pourtant, et c’est le second point que nous voulons souligner, et le plus important au regard des valeurs qui fondent l’éducation nouvelle,  la démarche demeure encore tronquée quand elle ne se poursuit pas jusqu’à la recherche de la réponse à cette ultime question concernant les règles absconses d’accord des participes passés : pourquoi des « fautes » du passé - résultat de l’oubli de l’accord quand le nom ou le pronom qualifié n’était pas encore écrit quand on écrivait le participe - ont-elles  été érigées en règles ? Un point d’histoire que presque tous ceux qui veulent faciliter cet accord n’abordent jamais ! C’est passer sous silence un aspect de la construction des savoirs qui en est partie intégrante : la relation étroite entre politique et pédagogie. Les règles qui firent tant souffrir des gamins de toutes les générations se sont imposées à une époque, celle de l’institution de l’école publique laïque, gratuite et obligatoire, où il a fallu instruire tous les enfants du peuple, une nécessité pour le développement économique du pays, mais en se gardant bien de leur permettre d’accéder au pourquoi de ces règles, élaborées davantage pour former à l’obéissance qu’à la compréhension !

Dommage que la plupart de celles et ceux qui ont le projet de faciliter l’accès au savoir fasse l’économie de cet éclairage historique : les jeunes avec qui on prend le temps de la découverte de cette aventure jubilent quand ils prennent conscience que c’est le peuple, par l’usage qu’il fait de la langue, qui participe à la construction de  son fonctionnement, entériné seulement ensuite sous forme de règles par l’Académie !

Alors n’est-ce pas prendre une lourde responsabilité que de priver enfants, élèves ... et enseignants de démarches où ils puissent goûter toute la saveur des savoirs tout en se construisant comme citoyens capables d’appréhender l’histoire des savoirs, indispensable pour s’inscrire dans des projets créatifs ?

Le but de cette contribution est donc de rétablir l’origine des recherches sur ce point épineux de notre langue écrite et de permettre de dépasser la recette sensée dépasser cet obstacle en invitant celles et ceux qui désirent mettre en œuvre une démarche véritablement émancipatrice dans leur classe - ou avec leurs propres enfants ! - à consulter les documents qui en explicitent les étapes en détail.

Jeanne Haugoubart (ex Dion) coauteure avec Marie Serpereau des ouvrages cités.

NB : Un powerpoint sur la question peut être mis à disposition par l'autrice de la contribution (sur demande).

Pour la tribune citée : http://www.liberation.fr/debats/2018/09/02/les-crepes-que-j-ai-mange-un-nouvel-accord-pour-le-participe-passe_1676135

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