Écrire, une punition? Pas question!

Suite aux déclarations du ministre Blanquer parues dans le Figaro le 31/10/2018, dans le cadre de son plan contre les violences à l'école, nombreuses sont les plaisanteries tournant en dérision des propositions qui, il faut bien l'avouer, n'ont rien ni de nouveau, ni de convaincant, ni de sensé.

Parmi les déclarations ridiculisées, cette suggestion de punition faite par le ministre aux enseignant·e·s : "tout simplement demander de faire des lignes, ce qui marche très bien".

On pourrait certes sourire, comme beaucoup, du caractère à la fois désuet et absurde de la proposition. On pourrait aussi s'interroger sur ce qui fait dire au ministre que ça "marche très bien" (grâce à cela, ils et elles prendraient pleinement conscience de leur erreur, ne recommenceraient plus, seraient d'un coup plus motivé·e·s par l'école? Moins de violences, donc?). On pourrait enfin relever que le ministre brandit sans sourciller une punition tout à fait illégale : son interdiction date de 1890 (1) et a été rappelée en 2000 (2).

Mais au-delà de ces aberrations, nous, professionnel·le·s des Lettres, nous trouvons scandaleuse cette mise en avant de l'écriture comme punition, autrement dit comme peine infligée à un·e élève, comme acte subi, suite à une erreur de comportement, quelle qu'elle soit.

Nous, qui nous efforçons chaque jour de faire vivre l'écriture comme un acte de plaisir, de réflexion et de création, à travers lequel les élèves peuvent prendre goût à la manipulation des mots, des images et des sonorités ;

Nous qui, quotidiennement, sommes confronté·e·s aux difficultés nombreuses qui empêchent l'acte d'écrire et cherchons incessamment des stratégies pour les contourner ;

Nous qui œuvrons sans relâche pour que les jeunes s'approprient la langue et apprennent à exprimer leurs ressentis, leurs idées et leurs critiques dans des textes,

Nous refusons qu'écrire soit présenté comme une punition, une souffrance, une contrainte mécanique et irréfléchie du corps et de l'esprit qui, loin de constituer une réponse contre les violences à l'école, ne fait qu'y contribuer.

(1) Voir la salutaire mise au point de Claude Lelièvre : https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/230210/des-punitions-interdites-persistantes?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-66

(2) Bulletin officiel http://www.education.gouv.fr/bo/2000/special8/proced.htm 

3 réflexions sur “Écrire, une punition? Pas question!”

  1. Interne au collège/lycée d’une petite ville, il y a bien bien longtemps…je devais avoir 14 ou 15 ans. Avec trois de mes camarades nous improvisons, avec force chahut, « un concours d’éloquence » avant l’heure, en attente de la surveillante de service pour l’ étude du soir. Arrivée sur le champ, après avoir rapidement rétabli l’ordre, elle nous demande, très simplement et calmement, de lui remettre pour le lendemain soir, 3 page sur le thème suivant : « Ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit »….Ayant fort bien saisi le sens du message, nous nous sommes exécutées au mieux de notre tâche. Je n’ai jamais oublié cet aphorisme et je crois même qu’il m’a donné le goût de la réflexion, de l’argumentation… et de la philo !
    Alors…oui, l’ECRITURE peut mener à une prise de conscience !

    • Dans votre cas, on vous a donné une rédaction à faire, et non copier 100 fois « Je me tiens bien en classe » ou n’importe quelle phrase injonctive qui n’a aucun intérêt pédagogique pour l’enfant, à part de lui faire mal au poignet, et lui faire penser qu’il fait un « travail » inutile, d’autant plus qu’il peut voir que le professeur va mettre sa feuille à la poubelle (que pourrait-il en faire d’autre ?)
      Et même si un élève sur 10 millions avait trouvé cela utile pour lui, cela n’enlève pas qu’il est complètement contre-productif pour les 9 999 999 autres élèves, risquant de les dégoûter d’écrire, de leur donner une tendinite au poignet, de trouver que le prof lui demande de faire des choses inutiles, et qu’il n’a donc aucune raison de s’investir dans le travail qu’il demandera en classe.

  2. J’adore la reponse de madame colette Tromas, et je suis d’accord avec elle. Ayant moi même eu a faire un jour une punition a écrire 100 fois je m’en rappel comme si c’était hier, cela ne peut être pas permis de devenir un grand écrivain ni une bête d’orthographe en attendant j’ai compris la leçon et je n’ai pas recommencé le bêtise, donc oui pour ce genre de punition avant de les mettre en prison, il y aura certainement d’autres solutions a prendre.

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