Étudier la poésie (1)

Étudier la poésie (1) : Strophes pour se souvenir, de Louis Aragon De la « récitation » traditionnelle dès le primaire jusqu’au commentaire composé au lycée général, la poésie occupe une place variable mais non négligeable dans l’enseignement du français, à travers la mémorisation et l’étude de poèmes ou de textes poétiques, et trop rarement leur production. Pourtant le travail sur et avec la poésie est souvent peu défini dans sa spécificité, s’attachant au contenu du texte plus qu’à sa forme, en dehors de la reconnaissance des normes classiques : décompte des syllabes des vers et typologie des rimes. Or étudier un poème devrait consister avant tout à montrer ce qui, précisément, en fait un poème, et non un simple texte au contenu poétique. C’est à une réflexion sur cet aspect de l’étude de la poésie que s’attache le texte joint ci-dessous, offrant quelques pistes à partir du poème de Louis Aragon intitulé Strophes […]

Du participe passé…

Suite à La Tribune parue le 2 septembre dans Libération, je tiens à apporter quelques éclaircissements et informations supplémentaires sur l’aventure du fameux accord du participe passé qui fait couler beaucoup d’encre et  embarrasse autant les élèves que les enseignants depuis des décennies ! Sans oublier les journalistes dont l’embarras a pu faire l’objet d’un ouvrage ! Tout d’abord j’aimerais rétablir la vérité sur l’origine et la diffusion des recherches concernant cette particularité de l’orthographe du français. Dès les années 80, Henri Bassis proposait déjà dans les stages du GFEN (Groupe Français d’Éducation Nouvelle) de faire d’abord construire  par les enfants la valeur adjectivale du participe passé dans le but de redonner sens à son accord, celui d’un adjectif qualificatif. Mais ce premier pas s’apparentait encore  davantage à une recette dans le sens où il permet  de faciliter le « comment » accorder tous les participes passés, qu’ils soient employés […]

Ouvrir des brèches – Des cours sans entonnoir

Je me suis durant toute ma carrière efforcé de briser le modèle d’enseignement que j’appelais « de l’entonnoir », où un enseignant détenteur du savoir le déverse dans les cerveaux des élèves censés le recevoir. J’ai donc constamment cherché à ouvrir des brèches dans ce système transmissif et mis en place, en particulier, de nombreuses démarches d’enseignement mutuel : faire traiter des parties du cours ou du programme par les élèves, sous forme de comptes rendus de lectures, d’échange d’arguments préparés sur un sujet donné, de présentation et d’explication de textes, d’exposés après recherches, qui étaient conçus pour apporter réellement des connaissances à leurs camarades, etc. Lorsque le programme, très prégnant surtout en lycée, s’y prêtait, je présentais aux élèves le travail prévu pour une période donnée – les textes officiels parleront plus tard de « séquences didactiques » –, les objectifs à atteindre et je les laissais organiser et se partager le […]

Libre expression vs liberté d’expression ?

Pleines de bonnes intention dans leur souci de ne pas laisser l’élève passif ou réduit au rôle de perroquet de la leçon magistrale, nombre de pratiques pédagogiques qui se veulent « alternatives » ont mis en avant le fait de laisser l’élève s’exprimer spontanément, ou même de pousser l’enfant à faire part de son vécu, de son ressenti, de ses impressions et émotions. Il faut que « ça parle », comme le répétait Françoise Dolto après Lacan. Et les sujets proposés aux élèves en rendent compte depuis le traditionnel « racontez vos vacances » jusqu’à « évoquez un souvenir » en passant par « faites part de votre réaction ». Enseignant encore débutant, j’ai un jour de septembre voulu savoir, afin d’organiser au mieux mon enseignement, de quoi étaient capables, en matière d’écriture, les élèves de quatrième avec lesquel-le-s j’allais passer l’année (ce qu’on appellera plus tard une évaluation diagnostique). Je leur ai donc demandé de raconter par écrit un […]

Lecture de Freinet sur l’enseignement du français

Lecture de Freinet sur l’enseignement du français dans les Instructions ministérielles de Jean Zay (24 septembre 1938) En italique les paroles de Freinet, en gras quelques-uns des extraits relevés par Freinet de ces instructions. En 1936, Freinet lance un appel, en écho au Plan d’Études qui vient de transformer les programmes de l’enseignement primaire en Belgique dans un numéro spécial de « L’Éducateur prolétarien » (n° 2, octobre 1936). En 1937, après avoir suivi le cheminement des Actes officiels qui « méthodiquement, sans bruit inutile, mais avec suite et décision, ont modifié si profondément sinon la pratique totale, du moins l’atmosphère de notre enseignement public », Freinet y voit la réalisation progressive du nouveau Plan d’Études Français qu’il réclamait. Le 24 septembre 1938, de nouvelles instructions ministérielles paraissent.  « Oh ! bien sûr, tout n’est pas parfait. Et nous ne nous ferons pas faute de souligner les faiblesses. Mais nous avons du moins, là, une charte précise, […]

Le « bon sens » comme retour à l’ordre pédagogique

Publiée hier, une interview commence à faire un peu parler d’elle : celle de Souâd Ayada, l’actuelle présidente du CSP, à la manœuvre dans les « ajustements de programme ». Si la semaine dernière nous essayons de voir ce qu’entre les lignes, ces modifications disaient du projet politique et pédagogique du ministère, dans cette interview, la présidente du CSP est explicite. Et ça fait peur. Il ne s’agit pas ici d’un soutien acritique aux programmes tels qu’ils sont aujourd’hui, mais de tenter de comprendre les opinions pédagogiques (et donc d’une certaine manière toujours politiques) des personnes aujourd’hui au pouvoir dans le champ de l’éducation. Le retour des « leçons » : un rappel à l’ordre pédagogique et social ? Dans les ajustements, une phrase m’avait interpellé sans que j’en comprenne les enjeux : « la leçon de grammaire et de vocabulaire […] doit être pratiquée dans le cadre de séances régulières ». Pourquoi préciser une telle évidence ? On le comprend […]

Des programmes ajustés

Après les quatre circulaires parues en avril 2018, personne ne peut être surpris par le contenu de ce projet d’ajustement des programmes élaboré par le nouveau Conseil supérieur des programmes pour répondre à la demande du ministre de « muscler » l’apprentissage des fondamentaux. Mais la procédure est étonnante : application dès la rentrée 2018 et temps très court laissé au Conseil supérieur de l’éducation qui se réunira mi-juillet. Quant à l’avis des enseignants, ce n’est pas un critère de choix ! Si les cycles rythment toujours ces nouveaux programmes, ils devraient être complétés par des « repères annuels » dans les semaines ou mois à venir… ce qui serait une manière de les mettre au placard. Ces « ajustements » sont très précis aussi bien dans l’énumération des compétences et connaissances à faire acquérir par l’enseignant que dans les exemples de situations, d’activités et d’outils pour l’élève. Serait-ce un nouvel espace de ressources pour […]

Les auteurs de « fake news » ne sont pas toujours ceux qu’on croit.

Avec la loi, la chasse au « fake news » est ouverte. Il est clair qu’elles sont le fait d’individus malveillants qui trouvent des relais pour leur propagation parmi les barbares incultes qui peuplent nos banlieues. Et si les « fake news » étaient également le fait de très honorables intellectuels relayés par les plus honnêtes gens du monde ? Prenons l’exemple des « techniciens de surface ». Cette qualification aurait remplacé celle de « balayeur », le « politiquement correct » interdisant une appellation méprisante à l’égard de pauvres bougres incapables de faire davantage que manier le balai. Alain Finkielkraut, élu depuis à l’Académie française, a beaucoup fait pour ridiculiser le « politiquement correct » avec cette anecdote. Rappelons que le « politiquement correct » a été bâti aux USA en même temps que la « discrimination positive » (ou « affirmative action ») qui imposait aux universités d’accueillir un quota d’étudiants issus des « minorités visibles », comme on dit de ce côté-ci de l’Atlantique. Il ne suffit […]

« Béééé éhaaa… Bâ ! » : quand maman parlait une langue étrangère…

Je suis entrée à l’école primaire à plus de six ans, sans passer par la case « école maternelle ». Née en 1940, j’étais très protégée par mes parents. Nous vivions à Paris et il y avait des alertes si nombreuses que la course dans les abris devenait un exercice presque quotidien. Mon père et ma mère avaient donc décidé de me garder près d’eux le plus longtemps possible. Cependant, avant de me confier à l’école républicaine, ils ont voulu me préparer aux premiers apprentissages. Je semblais être une petite fille sensée, curieuse et intéressée et cela n’aurait pas dû poser de problèmes. Malheureusement, le résultat n’a pas été à la hauteur des espoirs de mes parents. Je revois encore la scène. Maman vient vers moi, un sourire bienveillant aux lèvres et dans un climat de confiance partagée. Elle prend mes mains dans les siennes, s’assied en face de moi. L’heure semble […]

Une note bien dans la ligne

« Il faut que tout change pour que rien ne change » G. T. di Lampedusa, Le Guêpard. Le Conseil Supérieur des Programmes a donc publié une « Note d’analyses et de propositions sur les programmes du lycée et sur les épreuves du baccalauréat ». Celle-ci vient en réponse à un courrier du ministre, publié en annexe, et fixe un cadre très précis : celui de la réforme, déjà annoncée, du baccalauréat et de l’organisation du lycée. La mission du CSP est donc de refonder à la fois les programmes d’enseignements et le contenu des épreuves du bac. La note présente un statut plutôt imprécis : elle aurait pour but, selon ladite lettre, de poser « les premiers jalons du travail à venir », entendre l’écriture des programmes applicables à la rentrée 2021. Toutefois, on relève que cette note formule « des propositions concernant les ajustements éventuels à apporter aux programmes de la classe de seconde à la rentrée […]