Arpenter un livre

Parce que je ne sais pas si c'est difficile à lire quand on a 15 /16 ans, parce que je ne sais pas si ça va leur plaire, pour la 1ère séance sur Mémoires d'Hadrien, j'opte pour un arpentage, lecture collective et partagée. Je commence par expliquer comment l'arpentage est né fin 19e dans les écoles d'ouvriers syndicalistes et comment cette pratique a été réactivée dans les réseaux de résistance : l'idée principale est de lire collectivement un livre qui nous semble trop difficile à lire seul.

Ensuite je divise le nombre de pages du livre par le nombre de personnes présentes. Ce matin chacun·e avait 12 pages soit 6 feuilles. Je déchire les pages pour les donner à chaque élève. Là les yeux leur sortent de la tête et moi j'aime bien leur dire qu'un livre ça se partage.

Temps de lecture silencieux : ils peuvent souligner les pages, les annoter, se poser des questions, remplir les marges ou prendre des notes à côté. Ce temps ce matin a duré presque 1h. La consigne : rendre compte du contenu et de leur réception intellectuelle et sensible.

Mise en commun : je les regroupe devant les tableaux, en hémicycle et ils viennent tour à tour, dans l'ordre qu'ils veulent, présenter la lecture, la réception, l'analyse de "leur morceau" et les questions suscitées. Je fais la secrétaire au tableau. Des échanges oraux ont lieu.

On termine -pas eu le temps ce matin- par un retour sur l'expérience : est-ce que ça leur a plu ? Quel rapport cela instaure avec le livre ? Comment ils peuvent le transférer pour s'approprier des livres dans d'autres champs du savoir ? etc.

Enfin pendant toute la durée de l'étude, chaque élève conserve sa douzaine de pages et quand on évoque tel passage, hop, il est chaque fois la pièce indispensable du puzzle : "Han mais oui c'est dans mon passage !" Bref, perso, j'adore et ça les aide à entrer dans la lecture

Voilà j'espère que c'est clair et que ça vous donne des billes.

Sinon tapez arpentage + cemea dans votre moteur de recherche et vous trouverez quelques infos (mais peu).

N'hésitez pas si besoin de précisions !

Hélène Paumier

3 réflexions sur “Arpenter un livre”

  1. On a pratiqué une lecture en arpentage en stage syndical, autour du livre « La force du collectif ». Il y a eu bien sûr des exclamations lorsque le livre a été déchiré, puis chacun·e s’est mis en posture de lecture, a pris connaissance (possession?) de ses pages. J’ai été impressionnée par l’intensité de l’activité mais j’avoue ne plus me souvenir de ce qui en est ressorti.
    Je pense que c’est aussi parce qu’il y avait globalement consensus sur l’interprétation et sur la manière dont le livre résonnait en nous.
    Si je devais recommencer avec un public adulte, je choisirais plutôt un livre polémique, qui peut déranger. Je pensais à un moment à « Pour une culture du viol à la française », de Valérie-Rey Robert, qui est massif, qui convoque plein de références et… qui bouscule (et c’est un bien!).

    Pour plus d’info sur la lecture en arpentage, on peut aller voir par là :
    http://www.scoplepave.org/pour-discuter
    http://la-trouvaille.org/arpentage/

  2. C’est une expérience stimulante, surtout avec ce programme imposé en première qui pose vraiment problème avec les classes peu lectrices et « faibles ». J’organise souvent des lectures collectives de poésie et de théâtre avec projection du texte sur vidéoproj et élèves qui se relaient pour lire à haute voix.Les élèves aiment beaucoup, on commente par moments, on fait des pauses mais on n’est pas seul confronté à la lecture et à l’entrée (et sortie) d’une oeuvre. La seule chose que je n’ai pas compris dans l’arpentage : cela signifie que certains les élèves lisent des passages sans connaître, sans avoir lu ce qui est écrit avant, si leurs 6 feuilles sont à la fin des pages lues pendant la séance? Merci en tout cas pour ces contributions! Courage à toutes et tous.
    Delphine.

  3. Chère Hélène,
    Merci encore de m’avoir fait découvrir cette technique aussi stimulante qu’étonnante! Aujourd’hui, avec une collègue de l’Inspé de Caen, Isabelle Henry, nous employons cette technique en formation aux Métiers de l’enseignant (Licence pré-pro et Master MEEF). Chaque année, depuis 2018, nous expérimentons l’arpentage avec nos étudiants dans l’espoir qu’ils porteront un nouveau regard sur la lecture des textes patrimoniaux et sur leurs futures pratiques d’enseignement. D’autres collègues ont adhéré à cette méthode et l’ont testée. Je l’ai même exportée à l’étranger, lors de mes ateliers pratiques à l’Université de Saragosse, avec des étudiants MEEF et un de mes étudiants allophone de Caen l’a portée jusqu’en Allemagne et a mis en place une expérience arpentage avec ses professeurs et ses camarades.
    Merci!
    Alina Nastase Gonzalez

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