Notes et réflexions sur la conférence de William Marx au Rendez-vous des Lettres 2019, sur l'histoire littéraire critique.
https://www.canal-u.tv/video/eduscol/pour_une_histoire_litteraire_critique.49073
Les postulats de William Marx :
L’intervention de William Marx au RDV des Lettres 2019 aborde trois questions : quelle dénomination pour les profs de littérature ? Quelles missions pour l’enseignement des lettres ? Quelle place pour l’histoire Littéraire dans l’enseignement et plus précisément, quelle histoire littéraire critique ?
1er temps : William Marx questionne donc le statut des professeur·es de littérature : sommes-nous des littéraires, des historien·nes de la littérature, des philologues, des passeurs et des passeuses de textes, de littérature ? Ces dénominations ont toutes leurs intérêts, et leurs limites.
Mais, toujours, vigilance face au trop techniciste qui risque de faire périr le goût de la littérature chez les jeunes : la littérature doit « rester vivante » et « objet de plaisir, produire la joie et l’émotion de la curiosité et de la découverte ».
2ème temps : Quelles missions pour l’enseignement de la littérature ?
1ère mission : que les élèves maîtrisent un patrimoine littéraire d’extension nationale, voire plus vaste, que ce soit une culture partagée qui permette l’intercompréhension entre les individus et les générations
2nde mission : une éducation au plaisir, au goût, à l’émotion esthétique.
(Bon, ici, je me suis dit qu’il manquait une mission : développer la critique et la réflexion personnelles, mais ça arrive plus bas, dans la résonance des textes littéraires dans le présent).
3ème temps : Pour une histoire littéraire critique : elle doit d’abord être critique d’elle-même → distance par rapport aux belles architectures monumentales faites de tombeaux dans lesquelles on se promène plein·es d’admiration et d’acquiescement sans condition (j’adore l’image!) : la sélection des œuvres et des auteurs n’est pas innocente et nous ne pouvons plus faire comme si c’était innocent. L’histoire littéraire ne peut plus rester inconsciente de ses préjugés qui résident dans la définition des corpus, dans l’histoire comme récit continu et dans le fait d’accoler le mot « littéraire » à n’importe quel texte. (Interprétation personnelle : l’histoire littéraire est donc critique en ce qu’elle questionne ses propres objets, la manière dont elle s’est construite au fil des époques, sans avoir peur de se contredire, de mettre en avant ses manques).
Élargissement par William Marx : quelle portée des textes littéraires, quelles résonances pour les jeunes ? Les textes littéraires doivent être perçus comme appartenant au passé ET au présent de l’expérience de lecture, actualisés par la lecture. Les textes, par tout ce qu’ils comportent d’altérité, contribuent à une réflexion sur la vie et sur la société, passées et présentes.
L’histoire littéraire ne doit pas être une somme de connaissances abstraites et froides : mettre en avant la dimension affective, esthétique comme constitutive de l’expérience littéraire moderne.
L’élève devient alors un authentique sujet, capable d’éprouver sentiment et plaisir, d’émettre un jugement.
Quels enjeux pour nous, praticien·nes ?
La question qui se pose pour nous maintenant est comment déployer toutes ces pistes très riches avec les élèves ? Comment sortir des notices biographiques prétendument neutres des Lagarde et Michard ? Comment faire en sorte que les textes résonnent encore pour les jeunes, que ce soit par leurs thématiques, par les questions qu’ils posent à l’histoire et aux sociétés, ou par l’émotion esthétique qu’ils suscitent, qu’elle soit plaisir ou répulsion d’ailleurs ?
1ère piste : jouer sur la constitution des corpus, pour que les textes entrent en résonance, en conflit, en débat, que les questions d’une époque reprennent vie dans le présent, en y ajoutant des textes contemporains.
2ème piste : comparer plusieurs manuels et anthologies sur une même époque et questionner de manière critique les choix opérés ; les inciter à chercher d’autres aspects, d’autres questions, d’autres autrices et auteurs, afin de mettre en lumière la non linéarité de l’histoire littéraire, de percevoir qu’il y a une histoire célèbre et des histoires de l’ombre…
3ème piste : et pourquoi pas partir d’une question qui interpelle les jeunes dans le présent et se mettre en recherche, ensemble, de textes littéraires qui se sont posés la même question ?
Et vous, comment abordez-vous l’histoire littéraire en classe ?
Jacqueline Triguel