Un sujet de brevet vraiment fantastique!

Les faits : le sujet découvert par les élèves et les professeur·es de la métropole ce lundi 28 juin portait sur un point du programme de 4e, le récit fantastique, à partir d’un extrait du Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier.

Traditionnellement, cela n’aurait pas vraiment posé de problème, puisque l’épreuve est censée porter sur tous les points abordés au cours du cycle 4.

Mais c’était sans compter les conditions d’enseignement et d’apprentissage très particulières de ces deux dernières années.

Les raisons du scandale :

Les réactions ne se sont pas fait attendre : colère, dépit, désarroi face à un sujet portant sur le programme de 4e. Car pour beaucoup, en prenant – peut-être – en compte les difficultés d’études de l’année de 3e, les autorités auraient oublié le long confinement qui avait marqué la 4e, au moment où les élèves auraient dû, justement, aborder le récit fantastique.

Ce sujet paraît donc particulièrement inadapté, et nous sommes d’accord.

On entend également que le niveau de réflexion attendu des élèves est d’une pauvreté affligeante, avec des questions relevant davantage du repérage et du relevé que d’une véritable interprétation et appropriation du texte. Nous en sommes également d'accord.

Le sujet de réflexion proposé en rédaction cristallise ces critiques : « Aimez-vous découvrir des œuvres littéraires et artistiques dans lesquelles interviennent le surnaturel ou l’étrange ? »

Pour certain·es, il s'agit là d'une insulte au travail accompli dans les classes en faveur d’une analyse personnelle des œuvres et d’un développement de l’esprit critique ;  pour d'autres, dont nous ne faisons pas partie, c'est l'éternelle lamentation concernant la baisse de niveau ou le laxisme : prétendu « nivellement par le bas », présage d’une correction qui laisserait « tout passer », etc.

Les critiques sont nombreuses et l’on pourrait développer longuement à propos des défaillances du sujet proposé et de son (non-)sens pédagogique et politique.

Les sources du problème : la volonté ministérielle insensée

Mais rappelons-nous avant toute chose qu’au-delà de ces sujets inadaptés et aberrants, c’est le maintien même des examens, dont le brevet des collèges, qui est insensé.

Quel que soit le sujet proposé, il ne pouvait être « satisfaisant » pour tou·tes : programmes incomplets sur deux des trois années du cycle 4 ; progression chaotique des élèves ; angoisses liées au COVID, absences, maladie, convalescence des élèves comme des professeur·es ; deuils ; confinements ; inégalités sociales et numériques ; demi-jauges dans seulement 15 départements pour les 3e, etc.

Comment imaginer un sujet qui puisse prendre en compte autant de facteurs différents nés de la crise sanitaire ?

Rappelons-nous aussi et surtout que, malgré les alertes des professionnel·les que nous sommes, le brevet n’a bénéficié d’aucun aménagement, d’aucune prise en considération par le ministère : ni réduction des programmes, ni contrôle continu renforcé.

Nous n’avons cessé de demander le passage en contrôle continu, dans cette situation exceptionnelle (1), mettant en avant notre expertise et notre connaissance des élèves, notre capacité à savoir ce qui a été travaillé, et de quelle manière.

Mais nous n’avons pas été écouté·es, le ministre n’a eu nul regard vers le collège, nulle écoute de nos demandes.

Jusqu’au bout, les élèves, les familles et les personnels auront été piétiné·es par la volonté du ministre Blanquer – ou son absence de volonté. Un ministre plus soucieux du maintien artificiel d’un examen non moins artificiel (2), que de l’accompagnement pédagogique et de l’apaisement des élèves, malmené·es durant des mois par des protocoles et des conditions de travail instables et peu sécurisantes.

Cette épreuve illustre bien, finalement, les incohérences d’un ministre qui n’a pas su se positionner de manière professionnelle et lucide durant cette crise sanitaire et qui, aujourd’hui, ne peut plus se cacher derrière l’excuse de l’exceptionnel ou de la surprise de cette crise pour justifier son incompétence et sa maltraitance.

(1) Que l'on ne se méprenne pas : le collectif Lettres vives ne défend les examens en contrôle continu à la manière du ministre Blanquer, qui cherche à introduire pour 2022 plus d'évaluations locales dans le Bac et à accentuer, entre autres, les inégalités territoriales.

(2) La question de fond reste entière : à quoi sert donc le Brevet?

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