Enseigner et tenir un journal de bord

Face à l’urgence du quotidien et à la pression incessante des injonctions venant de tous les côtés, le journal de bord, ou journal pédagogique, constitue selon nous un levier de réflexion, de prise de recul et de d’évolution professionnelle et personnelle puissant, que chacun·e, nous pratiquons de manière différente. C’est pourquoi nous avons choisi de le présenter à travers plusieurs articles constitués de réflexions théoriques, de récits d’écriture, de prises de distance également. Ces textes peuvent être collectifs ou non. Voici le premier d’entre eux. Il vise à présenter le journal pédagogique (ou journal de bord) et à expliquer en quoi il peut nous aider à surmonter la frustration ou le sentiment d’impuissance que nous avons tout·tes déjà ressentis face à certaines situations en classe ou dans nos établissements. Le journal pédagogique : un outil d’autoformation permanente Je me suis inspirée du journal institutionnel impliqué, « une technique ethnographique de […]

Des descriptifs

Chaque année, pour préparer les oraux de l’Epreuve Anticipée de Français, les professeurs des classes de première préparent un document nommé « Descriptif des lectures et activités » qui contient, classés par séquence, l’ensemble des lectures de l’année, groupements de textes, œuvres intégrales, autres supports (œuvres d’art, films, etc.) et autres activités, comme les sorties, les rencontres. Ce document est une sorte de portrait de l’année de cours, il est massif, au jugé, la moyenne est d’une vingtaine de pages. Signé par l’enseignant et le chef d’établissement, il prend le caractère d’un document officiel et atterrit alors dans les mains des élèves, qui se l’approprient tout de suite, le feuillettent, font quelques remarques. Le moment de la distribution est toujours un peu solennel : en fin d’année, cet horizon lointain et mystérieux, ce fantôme même qu’est l’oral de l’EAF commence à prendre forme. Du coup, il peut servir de support à un bilan […]

Les prénoms : du rejet au désir de (re)connaître

« Madame, on prend une feuille simple ou une feuille double pour le contrôle ? » A question banale, réponse banale : « Une feuille double ou deux feuilles simples, ça n’a pas d’importance ». Mais voilà, suivent des rires étouffés, des coups d’œil complices et moqueurs glissés vers les uns et les autres. Quelque chose m’échappe. Devant mon air interrogateur, certains m’expliquent ce qui les amuse : « ben en fait, madame, vous avez dit  » ça n’a pas d’importance ». C’est comme « Sana » ». Sana étant le prénom d’une des élèves de la classe, qui me sourit en me disant « C’est pas grave, madame, j’ai l’habitude ». La plaisanterie est douteuse, certes, même si fréquente chez les adolescents. Je décide cependant de prendre le temps de la réflexion avant de gérer cet incident car il me paraissait assez symptomatique d’un ensemble d’élèves ayant des difficultés à vivre ensemble. Dès le mois de septembre, j’avais effectivement senti une ambiance particulière dans […]

Élitiste, maximaliste et dogmatique

Le texte qui suit relate une anecdote à laquelle j’ai été confronté il y a déjà longtemps, mais qui, au vu des discours tenus ici et là, et jusqu’au ministère, sur « la dictée », me parait pouvoir contribuer à la réflexion sur ce sujet. L’académie où je travaillais alors organisait annuellement un championnat d’orthographe, réservé aux élèves, dont je dénonçais le caractère de compétition-spectacle. Cette année-là, le texte choisi m’a offert d’autres arguments pour protester auprès des autorités académiques … A.C. « Il viendra bien, le temps où disparaîtront la notion de “faute” et le zéro en orthographe… » Nina Catach, L’orthographe française, Nathan, 1986  Pour ce championnat académique d’orthographe, une première dictée devait sélectionner parmi les élèves de l’académie ceux qui seraient admis à participer aux épreuves du championnat proprement dit. Le texte choisi était intitulé Les enchantements de la mémoire et accompagné de la mention : « d’après Antoine de Saint-Exupéry ». Pour les élèves […]

Engagement… [Paroles d’élèves, pratiques de profs]

Chaque année, en reprenant les différents programmes de mes classes, je fais le même constat. Le programme de 3e est pesant, tragique. Que ce soit en français ou en histoire. Les « guerres totales », les totalitarismes, « les génocides », le devoir de mémoire, l’engagement sont autant de thèmes et d’orientation qui s’éparpillent sur toute l’année de 3e, et qui peuvent parfois rendre l’atmosphère écrasante, et creuser un fossé entre le quotidien des élèves et les notions présentées par les enseignants. Je ne dis évidemment pas que ce ne sont pas des sujets et des périodes à aborder. Mais il est fréquent de nous entendre nous, enseignant.e.s, déplorer le manque d’intérêt des élèves, le fait qu’ils ne se sentent pas « concernés », ou nous offusquer qu’ils ne connaissent pas tel fait ou tel personnage pourtant « incontournable » dans l’histoire française, voire mondiale. Connaître l’histoire, mais pour quoi faire ? Pour en connaître la chronologie, pour en […]