Le théâtre, le corps et l’émancipation — Entretien avec Nicolas Joray.

1. Tu enseignes le théâtre en Suisse, dans une « école de culture générale ». Peux-tu nous en dire plus sur le fonctionnement de ces écoles, en particulier à qui est destiné ou qui choisit de suivre le cours de théâtre? Il s’agit d’une école publique destinée aux adolescent·es qui sortent de l’école obligatoire, lorsqu’ils et elles ont 16 ans environ. La formation prépare à l’entrée dans des hautes écoles des domaines de la santé, du travail social ou des arts. On y dispense durant trois ou quatre ans une formation de culture générale. Mes élèves deviendront donc par exemple enseignant·es du degré primaire, infirmier·ères, artistes, éducateur·trices, ergothérapeutes. Cette formation se distingue donc du lycée, appelé également gymnase, qui ouvre les portes de l’université et qui est plus difficile d’accès. Cela fait dire à certain·es que l’école de culture générale accueille les élèves qui ne veulent pas suivre un apprentissage professionnel mais […]

Le cabinet de curiosités, un partage de cultures

Claire Tastet est professeure de Lettres en lycée. Durant le 1er confinement, elle et ses élèves ont créé un cabinet de curiosités, avec joie et enthousiasme ! Sans doute une des pistes possibles pour le travail en demi-groupes en œuvre actuellement dans les lycées. Nous sommes revenues sur cette pratique avec Claire. Un cabinet de curiosités dans l’enseignement des Lettres… pourquoi, et comment ? Le cabinet de curiosité a été réalisé dans le cadre de la spécialité Humanité Littérature & Philosophie en Première. Nous étions en plein confinement et nous étudiions les récits des grands voyageurs dans le cadre des « Représentations du monde de la Renaissance au Siècle des Lumières ». Une des trois problématiques proposées dans cet objet d’étude s’intitule « décrire, figurer, imaginer ».  Lors de la classe en ligne, un des élèves a fait remarquer le côté paradoxal de la situation : nous évoquions de grands voyageurs, des pays lointains alors que nous […]

Redressons et rééduquons nos regards avec Iris Brey

Dans l’Histoire du cinéma, le male gaze est le regard majoritaire : il filme le corps comme un objet et non comme un sujet. C’est ce regard vertical qui, dès nos premiers coups d’œil à l’écran, nous a influencé·es sur notre façon de regarder les femmes, et donc de les considérer dans le monde. Ou plutôt nous a invité·es à justement ne pas les considérer voire à les déconsidérer, car il y a là enjeu de pouvoir : celui d’un regard de dominant, tout patriarcal. Le female gaze, lui, est le regard minoritaire. C’est ce regard horizontal qui saisit un sujet et non plus un objet. Le regard féminin, une révolution à l’écran, le livre d’Iris Brey se conclut sur la nécessité de « redresser nos regards » et, à Lettres Vives et Questions de classe(s), nous ne saurions que trop être d’accord. Redresser nos regards qui, depuis les débuts de l’Histoire du […]

Enseigner les Lettres dans l’École inclusive

Entretien avec Isabelle Ducos-Filippi, professeure de Lettres Classiques spécialisée dans l’ASH (adaptation scolaire pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap). 1. Tu as à cœur de diffuser des informations et des pratiques autour de l’ASH, pour mieux sensibiliser les enseignant·es et aider à mieux accompagner les élèves : comment en es-tu arrivée là? Je crois que tout a commencé lors de ma première affectation, en 1986. Je venais d’avoir le concours en lettres classiques et, j’ai été nommée, loin de ma banlieue parisienne dans un collège de l’académie de Rouen où il y avait un nombre très important d’élèves allophones. Quand je suis arrivée pour prendre mon poste, j’ai eu la surprise de voir que mon service était partagé pour moitié en histoire-géo et pour moitié sur une classe de CPPN (Classes Pré-Professionnelles de Niveau) sur 24h / semaine… Pas de français, pas de latin , pas de grec… […]

Pour une ortografe qui vive ! Entretien avec Maria Candea, linguiste

Maria Candea est docteure en linguistique et maitresse de conférence à l’université. Elle a co-écrit avec Laélia Véron Le Français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique (édition La Découverte). Nous l’avons rencontrée en mai et depuis, au fil des échanges et des projets, Maria a intégré le collectif Lettres vives. Elle répond ici à quelques questions autour de l’orthographe et de sa nécessaire réforme. 1- Pour certain·es, la maitrise de l’orthographe est symbole de culture, d’instruction et même de distinction de classe. Partages-tu ces représentations ? Quels sont, selon toi, les enjeux de la maitrise de l’orthographe ? Symbole de culture,sans doute, mais indice fiable certainement pas : on peut avoir une très grande culture, dans de nombreux domaines, et avoir des soucis avec l’orthographe. Cela est vrai maintenant, car il est extrêmement fréquent que des personnes longuement scolarisées et éduquées soient en insécurité par rapport à leur orthographe, et cela a […]

Entretien avec des autrices du manuel Des femmes en littérature – partie 2

Les Éditions Des Femmes – Antoinette Fouque et les éditions Belin ont publié, l’année dernière, un manuel intitulé : « Des Femmes en littérature ». La démarche nous a intéressé au collectif parce qu’elle touche évidemment à la question de l’enseignement des lettres comme moyen d’émancipation. Nous avons rencontré trois autrices du manuel. Suite de l’entretien. Djamila Belouchat, professeure lettres Céline Bizière, doctorante en littérature Michèle Idels, des Editions Des Femmes – Antoinette Fouque Mathieu Billière, pour Questions2classe(s), le collectif Lettres Vives, l’AFEF Pour lire la première partie de l’entretien. Pratiques de classe 1 : vers une « conscientisation » ? MB : Pensez-vous qu’il est possible de déclencher ce débat-là dans les classes, entre les élèves, à partir des textes que vous proposez ? CB : ça dépend quels textes. DB : Oui, il y a plusieurs objets d’étude qui invitent à repenser la question de la culture, de la femme… CB : Il y en a qui parlent de la […]