Question vive : les postures d’enseignant·es durant le confinement

Manques et inégalités, un constat unanime. Les inégalités sont, entre autres, ce que révèle la « continuité pédagogique » dans l’École telle qu’elle est organisée aujourd’hui. Mais lorsque certain·es mettent en avant – à raison – des causes structurelles, sociales, et des choix politiques récents, d’autres accusent la bienveillance, les méfaits du collège unique, le laxisme des personnels et/ou des familles. N’est-ce pas là se tromper de cibles ?  N’est-ce pas là contribuer à mieux invisibiliser les injustices indéniables de l’École que ce moment inédit de confinement exacerbe de façon particulièrement éloquente ? Pris·e dans l’étau de la continuité pédagogique, avec son rythme écrasant et ses exigences folles, chacun·e de nous risque d’être empêché·e de prendre de la distance, de réfléchir à la situation telle qu’elle est réellement, aujourd’hui, et à ses conséquences sur les apprentissages et sur la relation pédagogique, et de nous engouffrer dans ces explications traditionnelles souvent infondées, selon […]

3 classes dans un journal – pratique en collège

Le journal de classe est couramment mis en œuvre dans le 1er degré, mais beaucoup moins présent dans le 2nd degré, comme pas mal de pratiques inspirées de la pédagogie Freinet, à vrai dire. Les écueils souvent mis en avant sont le manque de temps, le peu d’heures passées avec les élèves et, bien évidemment, le sacro-saint programme ! Moi-même, je ne l’avais pas pratiqué avant aujourd’hui ! Faute de temps pour y penser, et ne voyant pas trop comment le mettre en œuvre. Mais m’y voilà, nous y voilà et je ne peux que constater à quel point tout s’emboîte naturellement, à quel point tout ce que nous faisons depuis le début de l’année en classe trouve naturellement sa place dans le journal scolaire. Nombre de collègues freinétistes parlent du « pas après pas », évoquent la logique d’ensemble de cette pédagogie, cette « méthode naturelle » qui n’est pas qu’une somme d’outils et de […]

Pratiques du journal en Première

Un journal pour dire l’émotion Je travaille cette année avec deux classes de 1ère et une classe de BTS deuxième année.Les élèves à leur arrivée en 1ère ont pris l’habitude du lycée et les plis ordinaires dans une classe à 35 élèves. Ils découvrent comme moi la réforme du bac et avec moi, ils découvrent des pratiques qui leur sont étrangères, comme le conseil de coopérative, le texte libre, le travail individualisé. Difficile pour eux de vivre ensemble ces nouveautés, sans fabriquer un amalgame à hauteur des difficultés rencontrées et du malaise qu’elles suscitent. J’ai voulu passer ce cap en protégeant les moments d’expression personnelle dans la classe, notamment le texte libre, bien éloigné des injonctions officielles du bac de français, ancien et nouveau. Je voulais également donner une forme lisible, qui matérialise l’expérience et donne une représentation concrète de ce que nous étions en train de vivre ensemble. Ces […]

Ça suffit !

Mais qu’arrive-t-il à notre ministre avec le français ?  Donc voilà une crise majeure, inédite, qui demande de l’imagination dans ses réponses. Passons sur le bac en contrôle continu et sur la foire qui va en découler. Mais en français, la seule réponse aux inquiétudes quant aux épreuves anticipées c’est, encore une fois, une variation du nombre de textes. C’est un non sens, littéralement. De quoi le maintien de l’oral de l’EAF est-il le nom ? D’un mépris particulier envers les professeur·es de lettres, leur santé, leur travail ? Ou des élèves de première déjà rudement mis à l’épreuve par la réforme et les E3C ? D’une certaine représentation idéologique de notre discipline ? Est ce à dire que le français n’existe que par le bachotage et donc que sans le bac il s’écroule ? Que l’imaginaire pédagogique de certain·es est limité ! Encore un fois le quantitatif plutôt que […]

Polanski, objet pédagogique

Après avoir publié deux témoignages de pratique liés à la question de la domination masculine, le collectif ne pouvait pas rester indifférent aux enjeux pédagogiques autour du film de Roman Polanski, J’Accuse. Voici donc notre contribution collective à la question. Le film J’Accuse, de Roman Polanski, est un objet pédagogique de fait : il a fait l’objet de dossiers pédagogiques nombreux proposés à l’ensemble des professeurs1 et d’une politique de diffusion auprès des publics scolaires (séances dédiées, etc.). Il fait aussi partie de la sélection pour le prix Jean Renoir, un prix de cinéma remis par un jury de lycéen·nes. Or, on sait que le contexte de création de ce film dérange de nombreuses personnes, mouvements et organisations. Le cinéaste Roman Polanski est publiquement accusé de viol et d’agression sexuelle par une dizaine de femmes, dont la plupart avait, au moment des faits mentionnés, l’âge de nos élèves. Ce contexte […]

Genèse de la cartographie d’une controverse en Lettres 

Cristallisations et crispations. À l’excès. Tel est aujourd’hui l’état des comportements réels et, a fortiori virtuels, qui guident les polémiques de la société. #GretaThunberg, #LeVoile, la #PMApourtoutes : on compte à l’envi les #hastags qui suscitent des joutes toujours plus tranchées, des oppositions toujours plus binaires sur les réseaux sociaux. Des camps s’affrontent avec virulence et bien souvent l’argumentation construite côtoie des torrents de haine ad personam. Outre les compétences d’analyse de la langue et du discours qu’offrent en soi les Lettres, se pose la question de démarches de cours qui pourraient permettre aux élèves d’aiguiser leur champ réflexif et de saisir la dynamique d’une controverse avec nuance et hauteur de vue. Leur donner au mieux des clés pour décrypter une rixe argumentative. La cartographie des controverses a été conceptualisée en 2008 par le chercheur Bruno Latour, mise en œuvre à l’école des Mines, puis à Sciences Po et dans le […]

L’art et les violences sexuelles : une tentative d’usage critique des nouveaux programmes en lycée

Les nouveaux programmes du lycée prévoient, pour la classe de seconde, un objet d’étude intitulé : « La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle ». L’objectif est d’ouvrir « une perspective littéraire et historique sur les caractéristiques de la littérature d’idées et sur le développement des médias de masse ». Cette mise en perspective passe par une articulation entre le temps long, celui des « grands débats sur les questions éthiques ou esthétiques » et le temps immédiat : « l’influence des moyens techniques modernes de communication de masse ». Le corpus doit être « un groupement de textes autour d’un débat d’idées, du XIXe au XXIe siècle (…) par exemple sur les questions éthiques, sociales ou sur les questions esthétiques liées à la modernité ». Dévoilement d’un récit de viol à l’agrégation Cet été, alors que je me demandais comment j’allai répondre à cette commande, j’ai pu suivre les développements d’un débat houleux autour du poème […]

Pratiques de la langue en classe

Si la dictée obsède les tenant·es du « bien parler » et du « les élèves ne savent plus écrire », elle ne résume pas à elle seule – loin s’en faut – l’extrême vivacité qui caractérise la pratique de la langue en classe et qui constitue, il faut bien le dire, une préoccupation importante des enseignant·es de Lettres. Comment s’y prendre ? Quelle terminologie utiliser ? Quel degré de finesse exiger ? … Mais surtout, travailler la langue, mais pour quoi faire ? Quelles visées y mettre, et quelle éthique ? 1ère partie : les écueils de « la langue pour la langue » Des séances de langue décrochées ; un cours de grammaire « digne de ce nom », avec la leçon, les exercices d’application ; des livrets d’exercices de grammaire qui foisonnent depuis 4 ou 5 ans en collège, de l’étiquetage au brevet, et maintenant, à l’oral du bac, une « question de grammaire » qui « vise l’analyse syntaxique d’une courte phrase ou d’une […]

Enseigner les Lettres dans l’École inclusive

Entretien avec Isabelle Ducos-Filippi, professeure de Lettres Classiques spécialisée dans l’ASH (adaptation scolaire pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap). 1. Tu as à cœur de diffuser des informations et des pratiques autour de l’ASH, pour mieux sensibiliser les enseignant·es et aider à mieux accompagner les élèves : comment en es-tu arrivée là? Je crois que tout a commencé lors de ma première affectation, en 1986. Je venais d’avoir le concours en lettres classiques et, j’ai été nommée, loin de ma banlieue parisienne dans un collège de l’académie de Rouen où il y avait un nombre très important d’élèves allophones. Quand je suis arrivée pour prendre mon poste, j’ai eu la surprise de voir que mon service était partagé pour moitié en histoire-géo et pour moitié sur une classe de CPPN (Classes Pré-Professionnelles de Niveau) sur 24h / semaine… Pas de français, pas de latin , pas de grec… […]

Le collectif Lettres Vives participe à la journée de l’AFEF sur les programmes du lycée

L’AFEF (Association Française pour l’Enseignement du Français) a proposé au collectif de participer à une journée sur les nouveaux programmes du lycée. Cette journée aura lieu le samedi 30 novembre, elle est sur inscription. Voici la page de présentation sur le site de l’AFEF : http://www.afef.org/nouveaux-programmes-de-francais-au-lycee-comment-faire-pour-quoi Voici le lien pour s’inscrire : https://www.afef.org/afef-rencontres Nous avons évidemment accepté sans hésitation, avec enthousiasme même. Voici pourquoi. C’est notre première apparition dans un cadre institutionnel, ce qui vaut pour nous reconnaissance de notre nécessité. Cela suffirait. Mais cela nous engage, en particulier dans l’obligation de préciser la place que nous entendons occuper dans la réflexion sur l’enseignement du français. L’AFEF est une association ancienne, fondée en 1967 elle est la plus ancienne des associations professionnelles de professeurs de lettres. Elle a donc une histoire, qui se joue par exemple dans la répartition des corps d’enseignant·es représentés : parfois le secondaire domine, parfois l’élémentaire. A l’heure actuelle, […]